mardi 22 janvier 2008

Après la défaite du 2 décembre, un nouvel élan pour le processus bolivarien ?

Article publié dans Le Drapeau Rouge, janvier 2008

Quelle direction prendra le processus bolivarien cette année ? (Photo: Seb)

Début janvier, à peine un mois après la défaite lors du référendum sur la réforme constitutionnelle, Hugo Chávez annonçait sont intention de "réimpulser" le processus bolivarien afin de corriger les erreurs. Plus qu’un simple rejet de la réforme, la victoire du "non" et surtout le taux d’abstention sont à prendre comme une sonnette d’alarme envers une gestion dans bien des cas inefficace. Après neuf ans de gouvernement et à deux ans de la définition du projet socialiste, la population espère enfin voir se concrétiser les avancées du socialisme du XXI ème siècle.

"Révision, Rectification et Réimpulsion du processus révolutionnaire", c’est la politique annoncée en début d’année par le président vénézuélien. Baptisée "la campagne des 3R", elle est la conséquence du résultat du référendum du 2 décembre dernier.

Malgré des avancées considérables dans de nombreux domaines, comme le furent en 2007 la nationalisation des gigantesques réserves pétrolières de la ceinture de l’Orénoque, de la compagnie nationale de télécommunication Cantv, la consolidation et l’expansion de l’Alternative bolivarienne des Amériques (Alba) et de Petrocaribe, entre autres ; on tarde cependant à voir se concrétiser sur le terrain des actions qui traduisent cette volonté affichée d’aller vers ce fameux socialisme du XXI ème siècle.

Corruption, inefficacité dans l’exécution des projets, désapprovisionnement de certains produits de base et insécurité sont des thèmes qui déçoivent et qui ont certainement amené une partie de la population à ne pas voter le 2 décembre. Si l’opposition joue un rôle actif dans certains de ces problèmes (comme l’accaparement de produits de base par les capitalistes nationaux qui empêchent leur distribution et favorisent la spéculation), le gouvernement porte lui aussi une lourde responsabilité par son incapacité à les résoudre.

Le 11 janvier, lors de son rapport annuel devant l’Assemblée nationale, le président Chávez à lui même reconnu qu’il fallait en finir avec ce décalage entre "le discours du leader et les actions concrètes" qui sont menées sur le terrain. Quelques jours avant, il avait annoncé un remaniement de son cabinet touchant 13 ministères. Peu de nouvelles têtes sont cependant apparues à ces postes.

Le PSUV enfin en congrès

Le Parti socialiste uni du Venezuela, dont l’idée avait été lancée par Chávez il y a un an, a commencé son congrès fondateur le 12 janvier. Celui-ci devrait durer environ deux mois. Après une campagne d’inscription massive d’ "aspirants militants" (plus de 5 millions de personnes s’étaient inscrites en 2007), le congrès avait été reporté à plusieurs reprises.

Ce parti qui devrait normalement naître de la base a cependant déjà du faire face à sa bureaucratisation avant même d’être officiellement créé. Les députés à l’Assemblée nationale ayant intégré le parti ont par exemple déjà conformé leur "bloc socialiste uni". On peut se demander s’ils ont consulté les "aspirants militants" à la base pour approuver cette décision. De plus, avant même d’avoir élaboré le moindre statut ou la moindre orientation idéologique, une commission disciplinaire était déjà créée, laissant redouter que la bureaucratie et les vieilles pratiques staliniennes ne s’emparent du parti encore en gestation.

Nouvelles élections en 2008

L’année 2008 sera de nouveau électorale. Dans le courant du mois d’octobre, les vénézuéliens seront appelés à voter pour élire les gouverneurs des 23 états du pays, ainsi que les bourgmestres des différentes villes et municipalités.

S’il veut "réimpulser" le processus, Chávez devra pouvoir compter sur l’appareil efficace que devrait être le PSUV. Et si celui-ci se conforme réellement depuis la base, de nouveaux visages devraient apparaître sur la scène politique.

Mais le Président à d’ores et déjà appelé les partis qui ne se sont pas joints au PSUV à travailler conjointement pour la victoire. Le 11 janvier il déclarait : "Ensemble avec le PCV (Parti communiste du Venezuela), le PPT (Patrie Pour Tous) et les autres partis révolutionnaires et patriotiques, nous devrons reformer un pôle patriotique pour remporter ces élections et montrer qui nous sommes".

Lors de la campagne électorale du dernier référendum, le PCV s’était plaint de l’inefficacité et de la dispersion dans la propagande en faveur de la réforme. "Chacun travaille dans son coin" avait alors déploré Oscar Figuera, secrétaire général du Parti communiste. Cet appel à travailler conjointement de Chávez semble être lui aussi une des leçons tirées du 2 décembre et l’un des axes de la "campagne des 3R".

Quoi qu’il en soit, 2008 sera plus que jamais une année clé pour le processus bolivarien. Une nouvelle défaite serait cette fois catastrophique car l’opposition reprendrait le contrôle des niveaux de pouvoir les plus proches de la population.

Seule une victoire écrasante des partis soutenant le gouvernement sera capable de donner ce nouvel élan nécessaire au processus. Et pour que celui-ci puisse se radicaliser, le mouvement populaire devra se réveiller et prendre la place qui lui revient sur la scène politique.

Bolivie, une opposition sans concessions

Article publié dans Le Drapeau Rouge, janvier 2008

L’opposition bolivienne est probablement la plus radicale et la plus violente qu’affrontent actuellement les gouvernements encrés à gauche sur le continent latino-américain. Et si les négociations entamées récemment entre le président Evo Morales et les préfets des neuf départements du pays se sont déroulées dans un climat de dialogue apparent, les actions menées ces derniers mois contre les partisans du gouvernement démontrent que tout est bon pour déstabiliser le premier président indigène de la Bolivie.

Le matin du 24 décembre dernier, le siège de la Centrale ouvrière bolivienne (COB), le puissant syndicat dont la base historique sont les mineurs, était la cible d’une attaque à l’explosif à peine 10 minutes avant l’heure d’entrée du personnel administratif.

Cette explosion en plein centre de La Paz n’est qu’un exemple parmi une longue liste d’actions violentes menées par certains groupes de l’opposition bolivienne. Les bastions de celle-ci sont les départements de Santa Cruz, Tarija, Beni et Pando, dont les préfets sont regroupés au sein de ce qu’ils dénomment la "Media Luna" (Demi Lune).

Ces préfets au service des capitalistes locaux (industriels, grands propriétaires fonciers et commerçants spécialisés dans l’import-export) font tout pour déstabiliser le gouvernement : menace de sécession, refus d’appliquer des réformes, mobilisation de secteurs de la population financée par le patronat, campagne diffamatoire contre Evo Morales (1) et ils sont même allés jusqu’à appeler au soulèvement de l’armée.

Les dirigeants du riche département de Santa Cruz (qui produit 10% du gaz national et 7% du pétrole) (2) sont les plus "autonomistes", ils estiment qu’ils n’ont plus de raison de financer les provinces pauvres du pays et La Paz.

Violences racistes contre les constituants

Le discours de certains leaders de la droite et les agressions menées par leurs partisans ont également un caractère raciste. Lorsque l’Assemblée constituante tenait ses réunions dans la ville de Sucre, les manifestants convoqués par la "Media Luna" ont agressé physiquement et verbalement les paysans et indigènes membres de la constituante.

Les travaux de celle-ci sont considérés comme illégaux par l’opposition dont une partie des représentants boycottait les réunions depuis août 2007 et organisait des manifestations à l’extérieur, qui terminaient souvent en affrontements de rue pour empêcher l’avancée des débats. L’Assemblée avait même été contrainte de suspendre ses travaux pendant trois mois.

Mais le 9 décembre dernier, le projet de nouvelle Constitution a été adopté par l’Assemblée constituante et il sera soumis à référendum populaire cette année. L’opposition rejette d’ores et déjà ce projet de Constitution et à même récemment demandé au président Morales d’annuler tout le travail réalisé par l’Assemblée constituante depuis le 15 août !

Chose qu’il a évidemment refusé. A deux ans de sa victoire électorale aux présidentielles, Morales a répondu aux violences de l’opposition en proposant un référendum révocatoire pour son mandat et pour celui des préfets des neuf départements du pays.

De plus, depuis le 7 janvier, le chef d’Etat a entamé un processus de négociations avec les neuf préfets sur la redistribution des revenus générés par l’Impôt Direct sur les Hydrocarbures (IDH), revenus qui sont répartis entre les départements, les municipalités et le Trésor Général de la Nation. L’agenda des négociations comprend également le thème des statuts d’autonomie et le texte de la nouvelle Constitution. (3)

Dans le cadre de ces négociations, un groupe de parlementaires de l’opposition a demandé au président de la République de reporter les référendums révocatoires afin de "laisser la place à un accord national", comme proposé par les préfets le 7 janvier.

Cet option a été rejetée par le ministre de l’Intérieur (Ministro de Gobierno), Alfredo Rada, estimant que le référendum était la seule voie "pour que le peuple dise qui est train de bien faire son travail". (4)

Mettant l’opposition radicale au défit sur le terrain démocratique, Morales jouera le tout pour le tout cette année en laissant aux boliviens le choix de d’exprimer tant sur la nouvelle Constitution que sur son mandat et celui des préfets des neuf départements du pays.


(1) Lire E. Toussaint, "Bolivie : avancées sur les biens communs et la réforme constitutionnelle", CADTM, janvier 2008.

(2) Selon la Chambre bolivienne des Hydrocarbures, http://www.cbh.org.bo/es/index.php?cat=36&pla=5

(3) "Gobierno descarta postergar referéndum revocatorio y asegura que sigue su curso", Agencia Boliviana de Información, 11 janvier 2008.

(4) Ibid.

mercredi 16 janvier 2008

En 2008, les astres contre le Venezuela

Les transitions d’années sont en général propices aux prédictions en tout genre et les revues "people" y vont toutes de leur petit dossier sur les horoscopes, les astres et autres prédictions tantôt apocalyptiques, tantôt prédisant richesse abondante et beauté intarissable.

En fouillant dans ces poubelles médiatiques on peut parfois tomber sur des choses surprenantes.

Quelques jours avant le cap de l’an (traduction littérale de l’expression italienne très imagée pour dire le nouvel an, "capodanno"), je rendais visite à mon amie Emma que je n’avais plus vu depuis quelques temps. Nous discutions de choses et d’autres et bien entendu, sujet inévitable au Venezuela, on parla politique.

Emma me commenta alors la rage que lui avait provoqué ce qu’elle venait de lire dans une revue féminine.

Et elle me posa sur la table la revue Vanidades qui proposait un dossier sur les prédictions pour 2008 dans les différents pays latino-américains. Je me mis à parcourir les courts paragraphes des différents pays du continent.

D’emblée un fait me sautait aux yeux : les astres n’étaient pas de gauche… ou du moins la voyante qui avait rédigé ces lignes ne l’était pas.

En s’arrêtant sur le paragraphe du Venezuela on pouvait y lire ceci :

"L’économie s’évapore et le changement de monnaie laissera de nombreuses personnes littéralement à la rue. Les gens ont peur et, bien que nombre d’entre eux veuillent quitter leur pays, ils ne pourront pas le faire. Le gouvernement contrôle plus la vie des vénézuéliens. Ceux-ci chercheront un changement mais il sera très difficile que le Venezuela redevienne ce qu’il était".

"Mère Nature s’abattra sur ce pays et de nombreux glissements de terrain seront occasionnés par les pluies, ainsi que par de forts vents et ouragans".

"Les concours de beauté entreront dans une période polémique et le bruit court que peut-être le Venezuela ne sera pas représenté cette année. On vivra une époque très difficile dans ce merveilleux pays".

Plus loin, l’Equateur et la Bolivie ne seront pas moins victimes des foudres de Mère Nature et des problèmes économiques. En ce qui concerne Cuba, après que "la vie de Fidel Castro" ne se soit "éteinte", toujours selon les termes de la revue, "le peuple cubain respirera enfin un air de liberté. Les gens prient et espèrent ce miracle".

Voici donc les pays dont les gouvernements se réclament de gauche bien punis par les astres. Mais ce qui est encore plus amusant, c’est que les prédictions astrales sont friandes de traités de libre commerce et de politiques libérales.

Je continuais la lecture, à la fois effaré et amusé de ce que j’avais sous les yeux. Et je me dirigeais alors vers d’autres pays, m’éloignant de "l’axe du mal astral".

Le Mexique par exemple, dont le traité de libre commerce (TLC) avec les Etats-Unis et le Canada vient d’entrer dans une nouvelle phase d’ouverture agricole le premier janvier, jouira quant à lui d’une année 2008 prospère :

"Le commerce croît et le pays prend un autre aspect. Il y aura du respect, de la justice et du progrès. (…) Le gouvernement continuera à travailler intensément pour établir la sécurité de chaque Mexicain".

Et définitivement, ce pays allié inconditionnel des Etats-Unis remporte la palme du meilleur progrès en 2008.

On peut lire plus loin dans une résumé sur l’Amérique latine mais toujours concernant le Mexique : "La situation politique au Mexique tend à se stabiliser du fait de la grande amélioration des conditions économiques. Il y aura de nouvelles façons de pouvoir émigrer légalement aux Etats-Unis et le traité de libre commerce entre les deux pays s’élargira. En général, le panorama est très encourageant pour les Mexicains".

Dans ce même résumé, les économies et le tourisme de la République Dominicaine, du Salvador, du Pérou, du Panama et du Costa Rica s’amélioreront. Alors que l’Equateur, dont le président Rafael Correa se réclame aussi de gauche, "changera l’orientation de sa politique actuelle vers un plan plus modéré".

Au Venezuela, en langage populaire on dit que les médias commerciaux mettent du venin dans leurs informations. La seule prédiction que j’ai pu tirer de cette revue, c’est que l’année médiatique 2008 s’annonce venimeuse.


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