mardi 29 mai 2007

Après avoir tombé le rideau, RCTV occupe le devant de la scène

La manifestation convoquée samedi par l’opposition s’est déroulée sans heurts. Elle s’est terminée devant le siège de RCTV en milieu d’après-midi. Ce dimanche, les choses se sont corsées quelque peu. Les partisans du président Chávez, qui appuient la décision de l’Exécutif de ne pas renouveler la concession de RCTV, avaient appelé à la manifestation de soutien dès 11h. Des concentrations ont eu lieu à différents points de Caracas et ont convergé vers le théâtre Teresa Carreño où les manifestants ont fait la fête en attendant l’entrée en fonction du nouveau canal TEVES (Télévision vénézuélienne sociale), ce lundi à 00h01.

De son côté, l’opposition à continué les mobilisations, dont certaines se sont terminées en échauffourées avec la police. Dans la matinée les supporters de RCTV ont commencé à se regrouper. Mais le grand rendez-vous était prévu dans l’après-midi. Leur intention étant de se maintenir en alerte toute la nuit, il ne fallait pas commencer trop tôt.


Photo : Seb


Début de soirée devante le siège de RCTV

Vers 18h, des manifestants hostiles à la décision du gouvernement se sont affrontés aux forces de l’ordre devant le siège de la CONATEL (Commission nationale des Télécommunications). On a parlé durant un moment d’un policier blessé par balle. Mais ce lundi le journal Ultimas Noticas démentait l’information, citant une source de la Police métropolitaine. Toujours selon le quotidien, une enquête sera malgré tout ouverte par Parquet. Il y a de nouveau eu du grabuge vers 21h au même endroit.


Photo : Seb


Marcel Granier, big boss de RCTV accompagné de Miguel Angel Rodríguez (à gauche), animateur vedette de la chaîne, quelques instants après la coupure du signal.

De mon côté j’ai passé la soirée et une partie de la nuit face au siège de RCTV. Malgré un contact la veille avec la responsable de presse afin d’obtenir une accréditation, l’accès à l’intérieur du bâtiment m’a été refusé. C’est donc sur l’écran placé à l’extérieur que j’ai vu le signal de RCTV s’éteindre à 23H59 et apparaître le logo de TEVES. Quelques minutes après, l’ambiance a commencé à s’échauffer et les projectiles n’ont pas tardés à voler en direction des forces de l’ordre. La police a alors répliqué et dispersé la manifestation (qui a cette heure là n’était déjà plus très compacte). Petit accrochage sans grande incidence, le calme est vite revenu. Lorsque j’ai quitté les lieux vers 01h30, tout était calme et une petite cinquantaine de personnes continuait sur place en criant des slogans.


Photo : Seb

Après minuit, quelques manifestants ont lancé des projectiles en direction de la police.


Ce lundi les manifestations ont continué en ville, pour la plupart l’œuvre d’étudiants provenant d’universités privées et de l’Université centrale du Venezuela. Mais il est clair que les mobilisations ne sont pas terminées et risquent de continuer durant la semaine.

Le Venezuela vu de chez nous

J’ai lu un peu les médias extérieurs sur le net. Je dois dire qu’ils n’y vont pas de main morte. A les lire, je devrais avoir peu qu’on me coupe bientôt l’accès à internet…

Je pense que le commentaire posté par Antoine sur le blog est une bonne occasion de faire la lumière sur certains points. Et on peut se baser sur l’éditorial du Monde du 26 mai (cité par Antoine) pour corriger quelques affirmations mensongères. (1)

Le Monde affirme : "Vendredi 25 mai, l'armée a reçu l'ordre de la Cour suprême de prendre le contrôle des bâtiments et installations de RCTV". Parciellement faux. La Salle constitutionnelle du Tribunal suprême de Justice (TSJ) a ordonné à l’armée de protéger et contrôler les installations et équipements, telles les tours et antennes de diffusion disséminées sur le territoire national. Ceci afin de "garantir un service public universel de télécommunication" et "de maintenir une structure opérationnelle suffisante ou adéquate qui permette une efficace pénétration, accès et accessibilité". Le TSJ se base sur l’article 108 de la Constitution qui stipule que "l’Etat garantira des services publics de radio, télévision (…) afin de permettre un accès universel à l’information". Par cette décision, le TSJ s’assure que la nouvelle chaîne TEVES disposera de "l’infrastructure nécessaire pour la transmission au niveau national, dans des conditions de qualité."

Il ne s’agit donc pas d’un contrôle des bâtiments proprement dits (studios de production, matériel audiovisuel, etc.) mais bien du contrôle des antennes qui permettent la diffusion en VHF sur le territoire national. La direction de RCTV invoque une violation de la propriété privée. Mais l’arrêt rendu par le TSJ (2) se base sur une résolution de novembre 1973 qui affirme : "Les installations nécessaires seront construites par Radio Caracas C.A. à ses seuls frais. Tant le terrain, comme les tours et constructions qui s’y installent, se considéreront propriété exclusive de la République et dans ce sens, la compagnie autorisée devra octroyer les instruments juridiques nécessaires."

Le Monde poursuit : "Lundi 28 mai, il ne restera plus qu'une chaîne d'opposition, dont le signal ne dépasse pas Caracas et dont l'audience est négligeable." Totalement faux. Premièrement, Globovisión (la chaîne dont parle Antoine dans son commentaire) dispose d’une diffusion nationale. Deuxièmement, elle est loin d’être la seule chaîne d’opposition. Les principales chaînes privées diffusant sur une vaste partie du territoire national sont Globovisión, Venevisión (appartenant au groupe du magnat de la presse Cisnero, qu’on peut difficilement taxer de chaviste) ainsi que Televen, sans compter toutes les chaînes régionales.

Selon les chiffres du ministère de la Communication et de l’Information, au 26 janvier 2007 le spectre radioélectrique se divisait de cette façon : En VHF, 78 % des chaînes étaient aux mains du secteur privé contre 22 % pour le secteur public. En fréquence UHF, 82 % des opérateurs étaient privés, 11 % communautaires et seulement 7 % publics. (3)

On peut également signaler que le 27 mai, la CONATEL a renouvelé quatre concessions qui prenaient fin à la même date. Il s’agit de la chaîne publique (Venezolana de Televisión) et de trois privées (Venevisión, Televisora Andina de Mérida et Amavisión).

A ce sujet, j’ai interrogé la vice-présidente de l’Assamblée nationale ce dimanche. Je publierai la traduction de ses commentaires dès demain.

(1) Censure à la Chávez, Le Monde, samedi 26 mai 2007, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-915304@51-897252,0.html

(2) Vencimiento de la concesión de RCTV no puede significar una desmejora del Servicio Público, 25 mai 2007, http://www.tsj.gov.ve/informacion/notasdeprensa/notasdeprensa.asp?codigo=4808

(3) Ces données sont disponibles dans le Libro Blanco sobre RCTV, téléchargeable sur le site du ministère, http://www.minci.gob.ve/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour tes eclaircissements. Peut-être qu'en ayant ces informations, on arretera de me prendre pour un stalinien quand je defend Chavez sur ce coup là (non pas que je pense que la fermeture de RCTV soit particulierement une bonne chose, mais ça se fait legalement et sans aucune atteinte à la democratie).
Renseignements pris, le correspondant du Monde au Venezuela, Paolo Paranagua, est connu pour ses mensonges éhontés sur la revolution bolivarienne (voir Acrimed ou Le Grand Soir).
C'est triste à dire mais en France, le journal le moins virulent sur cette affaire est Le Figaro, comme quoi...



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