Ce week-end Caracas accueillait le premier "Séminaire latino-américain contre le Terrorisme médiatique". Un événement organisé en contre-partie de la réunion semestrielle de la Société interaméricaine de Presse (SIP), qui s'est elle aussi tenue ce week-end dans la capitale vénézuélienne.
La SIP, organisation des grands patrons et propriétaires d'entreprises de presse du continent, se réunissait à Caracas pour dire qu'au Venezuela... il n'y a pas de liberté d'expression. Personne ne les a empêché de le faire.
Déjà en 1951, Miguel Otero Silva, fondateur du quotidien El Nacional (aujourd'hui journal phare de l'opposition), avait décrit la SIP de cette façon:
"Les statuts de la SIP ont été transformés de manière arbitraire, violant pour cela ses normes fondamentales et lui donnant le caractère qu'elle a aujourd'hui, une entité exclusivement patronale d'échange commercial, strictement contrôlée par les vendeurs de papier, les agences d'information et les annonceurs qui résident aux Etats-Unis. Rien de plus inopportun dans ce milieu qu'un journaliste".
L'organisation de ces deux événements journalistiques me donne l'occasion de revenir sur deux manipulations médiatiques récentes. Elles concernent toutes deux la crise diplomatique entre la Colombie, l'Equateur et le Venezuela.
Pour rappel, le premier mars dernier, l'armée colombienne bombardait un campement des FARC qui se trouvait clandestinement en territoire équatorien. Le bombardement en pleine nuit et l'intervention de troupes colombiennes au sol feront 24 victimes, parmi lesquelles Raúl Reyes, le numéro deux du Secrétariat des FARC, dont le corps sera emmené par les militaires colombiens (1).
Depuis cette attaque, la Colombie mène une campagne médiatique contre l'Equateur et le Venezuela, accusant les gouvernements de ces deux pays de liens avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
La campagne de El País
La SIP, organisation des grands patrons et propriétaires d'entreprises de presse du continent, se réunissait à Caracas pour dire qu'au Venezuela... il n'y a pas de liberté d'expression. Personne ne les a empêché de le faire.
Déjà en 1951, Miguel Otero Silva, fondateur du quotidien El Nacional (aujourd'hui journal phare de l'opposition), avait décrit la SIP de cette façon:
"Les statuts de la SIP ont été transformés de manière arbitraire, violant pour cela ses normes fondamentales et lui donnant le caractère qu'elle a aujourd'hui, une entité exclusivement patronale d'échange commercial, strictement contrôlée par les vendeurs de papier, les agences d'information et les annonceurs qui résident aux Etats-Unis. Rien de plus inopportun dans ce milieu qu'un journaliste".
L'organisation de ces deux événements journalistiques me donne l'occasion de revenir sur deux manipulations médiatiques récentes. Elles concernent toutes deux la crise diplomatique entre la Colombie, l'Equateur et le Venezuela.
Pour rappel, le premier mars dernier, l'armée colombienne bombardait un campement des FARC qui se trouvait clandestinement en territoire équatorien. Le bombardement en pleine nuit et l'intervention de troupes colombiennes au sol feront 24 victimes, parmi lesquelles Raúl Reyes, le numéro deux du Secrétariat des FARC, dont le corps sera emmené par les militaires colombiens (1).
Depuis cette attaque, la Colombie mène une campagne médiatique contre l'Equateur et le Venezuela, accusant les gouvernements de ces deux pays de liens avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
La campagne de El País
Le premier cas de manipulation médiatique à avoir avec l'information mensongère publiée le mercredi 12 mars par le quotidien espagnol El País.
Dans un article intitulé "Les FARC trouvent refuge en Equateur", la journaliste affirmait qu'à la frontière équatorienne, les combattants des FARC circulaient librement sur les routes, sans aucun contrôle des autorités de Quito (2).
L'auteure argumentait ses affirmations en citant comme source un soi-disant fonctionnaire de l'Organisation des Etats américains (OEA) qui avait demandé l'anonymat.
"Les guérilleros se déplacent dans le nord de l'Equateur en camionnettes, comme l'a constaté un fonctionnaire de la OEA, qui exprimait en privé être déconcerté d'avoir croisé dans des restaurants de la zone frontalière, des membres des FARC parfaitement équipés", écrivait le journal espagnol.
Le samedi 15 mars, le secrétaire général de la OEA, le chilien José Miguel Insulza, envoyait une lettre au directeur de El País dans laquelle il démentait cette information et niait la présence même de fonctionnaires de la OEA dans cette zone (3).
"Je peux vous assurer qu'une telle information est absolument fausse. La OEA ne dispose ni de missions spéciales, ni de fonctionnaires d'aucun niveau déployés à la frontière nord de l'Equateur. Pour autant, il est impossible qu'un fonctionnaire de notre organisation ait formulé de telles déclarations", précisait-il.
Insulza, qui avait quelques heures auparavant réalisé une visite sur le lieu de l'attaque, ajoutait qu'avant cette visite "jamais un fonctionnaire de la OEA ne s'était rendu dans la zone". Il poursuivait: "Et je peux vous assurer que personne de ma délégation n'a vu de guérilleros, ni même de chemins par lesquels pourraient circuler des camionnettes". Difficile d'être plus clair.
Les médias colombiens
Le deuxième cas survient à peine deux jours plus tard, lorsque le journal colombien El Tiempo publie une photo où apparaît Raúl Reyes dans un campement des FARC accompagné d'un homme que le quotidien accuse d'être le ministre de Sécurité interne et externe de l'Equateur, Gustavo Larrea.
Bizarrement, El Tiempo (qui appartient aux Santos, famille du ministre de la Défense Juan Manuel Santos) publie cette photo le 17 mars, le jour même de la réunion des ministres des Affaires étrangères de la OEA à Washington.
Cette réunion extraordinaire devait traiter de la crise diplomatique entre les trois pays et ratifier la condamnation à l'agression colombienne exprimée par les présidents latino-américains lors du sommet du Groupe de Río, le 7 mars en République Dominicaine.
La Colombie prétendait utiliser cette "révélation" pour accuser les autorités équatoriennes de complicité avec les FARC et ainsi justifier son intervention unilatérale.
Le problème c'est que cette information aussi était fausse. A peine quelques heures plus tard, le secrétaire général du Parti Communiste argentin, Patricio Echagaray, donnait une conférence de presse pour informer que c'est lui qui apparaît sur la photo avec Reyes.
Il déclarerait le jour-même sur les écrans de TeleSUR (4) que "celui qui est sur la photo c'est moi. Et cela fait partie d'une série de photos prises il y a trois ans lors d'un reportage que j'ai fait sur Raúl Reyes, dans la forêt colombienne, pour des publications argentines".
Echegaray dispose de l'original de la série de photos dont celle-là et d'autres ont été publiées dans des journaux argentins. La ressemblance entre le ministre équatorien et le dirigeant communiste n'aura pas suffit pour tromper l'opinion et semer le trouble à la réunion de la OEA.
El Tiempo affirmait que ce cliché provenait du fameux ordinateur de Raúl Reyes, que les autorités colombiennes affirment avoir retrouvé sur le site du bombardement et qui contiendrait les "preuves" des liens entre les gouvernements équatorien, vénézuélien et les FARC.
Après le démenti de Larrea et d'Echegaray, El Tiempo se rétractera et publiera ses excuses sur son site web. Dans son mea culpa, la direction du quotidien affirmera avoir reçu cette photo de la Police nationale colombienne qui prétendait que le personnage sur le cliché était le ministre Larrea.
Echegaray précisera qu'il ne s'agit pas là d'une confusion mais bien d'une manipulation. "Elle est grossière oui mais c'est une manipulation dans laquelle tombe le journal, on ne sait pas avec quel degrés de volonté".
Le refrain se confirme: "You can fool some people sometimes, but you can't fool all the people all the time".
Notes:
(1) Dans le campement, mis à part les guérilleros, se trouvaient également cinq étudiants mexicains de la UNAM (Université nationale autonome du Mexique) qui étaient venus interviewer Reyes. Une seule d'entre eux a survécu à l'attaque. Elle est aujourd'hui soignée dans un hôpital militaire de Quito. Lucía Morett (c'est son nom) a décrit l'attaque: ce fut un massacre. Il n'y a pas eu de combat comme les autorités colombiennes l'avaient prétendu au départ, les guérilleros et les étudiants étaient tous endormis. Les troupes héliportées qui ont débarqué par la suite ont fini le travail et achevé les survivants, certains abattus d'une balle dans le dos.
(2) Las FARC hallan refugio en Ecuador, El País, 12/03/08
(3) ''Estupor e indignación'' de Secretario General de la OEA por información ''falsa'' de El País, TeleSUR, 15/03/08
(4) Patricio Echegaray confirma que es él quien aparece en foto con Reyes, TeleSUR, 17/03/08
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