Face aux référendums autonomistes réalisés par l'opposition en dehors de tout cadre légal et au refus de dialoguer de ses dirigeants, le président bolivien Evo Morales joue la carte démocratique pour sortir de l'impasse. C'est la population qui décidera par référendum, le 10 août prochain, qui reste et qui part.
L'opposition bolivienne a jusqu'ici tout essayé pour déstabiliser le premier président amérindien du pays: référendums autonomistes illégaux, boycott du dialogue, violences racistes. Mais Morales a récemment répondu en convoquant un référendum révocatoire pour son mandat, celui du vice président Álvaro García Linera et celui des préfets (gouverneurs) des neuf départements que compte la Bolivie.
Morales joue le quitte ou double, en misant sur le large soutien dont il jouit chez les populations indigènes, paysannes et ouvrières. L'autre chemin, celui de la négociation avec les préfets radicaux de la dénommée "Demi Lune", des départements de Beni, Pando, Tarija et Santa Cruz, a échoué.
Parmi ces quatre régions, trois ont déjà réalisé leur référendum autonomiste, malgré le fait que la Cour nationale électorale (CNE) les ait déclaré illégaux (1). Il s'agit de Santa Cruz le 4 mai dernier, ainsi que Beni et Pando le premier juin. Tarija devrait suivre le 22 juin.
Ces consultations illégales ont été marquées par une très faible participation. Selon les résultats communiqués, le département de Pando a enregistré une abstention de 46,5%, alors que la chaîne de télévision privée ATB parlait de 50,1%, dans une région qui compte à peine 28 000 personnes en âge de voter.
Dans le cas de Beni, l'abstention a été de 34% sur une population d'à peine 134 483 personnes inscrites au registre électoral. Et à Santa Cruz elle a tourné autour des 40% d'une population votante de 935 527 personnes.
Les résultats communiqués par les cours électorales départementales, contrôlées par l'opposition, font état de 87% pour le "oui" à Pando, 80% à Beni et 85% dans la riche région de Santa Cruz.
Il est important de souligner tout d'abord que ces consultations se sont réalisées sans observateurs nationaux ni internationaux. Même l'Organisation des Etats américains (OEA), qui n'est pas forcément connue pour ses prises de position progressistes, avait refusé d'envoyer des observateurs et avait plaidé en faveur de l'unité constitutionnelle en Bolivie.
Ensuite, l'abstention constitue une démonstration du soutien dont jouit Evo Morales, y compris dans ces régions, étant donné que le message tant du gouvernement comme des mouvements sociaux avait été d'appeler au boycott des consultations, afin de ne pas les légitimer.
Mobilisations populaires
Lors de ces différents référendums, les organisations sociales et syndicales se sont mobilisées dans le pays pour rejeter les statuts autonomistes des départements gouvernés par la droite.
"Nous les travailleurs, nous rejetons ces statuts et rappelons à nos bases que la meilleure manière de démontrer notre rejet est de ne pas aller voter", déclarait le 31 mai la présidente de la Centrale ouvrière de Beni, Sonia Guardia.
Dans les trois départements, travailleurs, paysans et indigènes se sont mobilisés le jour des référendums par des blocages de routes et des manifestations. Dans certaines localités ils ont essayé d'empêcher l'ouverture des bureaux de vote et ont confisqué des urnes qu'ils ont brûlées, parce qu'ils considéraient qu'elles contenaient des bulletins de vote falsifiés.
Le 4 mai, 700 000 personnes ont manifesté à El Alto et à Cochabamba pour exprimer leur désaccord avec ces consultations illégales.
Violences racistes de l'opposition
Pour sa part, l'opposition avait mobilisé ses groupes de chocs. Les organisations d'extrême droite, parmi lesquelles l'Union des Jeunesses cruceñistes (Unión Juvenil Cruceñista, de Santa Cruz) avaient fait le déplacement à Beni et Pando où elles ont agressé des membres d'organisations sociales qui s'étaient mobilisés pour le "non" aux autonomies.
Au delà de la composante de classe entre membres de la bourgeoisie de Santa Cruz ou des autres départements et paysans ou travailleurs, il existe également une composante raciale entre blancs qui appartiennent à cette même bourgeoisie et indigènes ou amérindiens.
Le 24 mai dernier, des dizaines de paysans indigènes ont été humiliés et battus par des membres du dénommé Comité Interinstitutionnel, dans la ville de Sucre (département de Chuquisaca, au sud), alors qu'ils s'apprêtaient à participer à une mobilisation pro gouvernementale à laquelle devait assister le président Morales. Les paysans ont été dénudés jusqu'à la ceinture, leurs vêtements ont été brûlés et ils ont été forcés à marcher à genoux et à scander des slogans anti-Morales.
Les membres du Comité Interinstitutionnel étaient armés de bâtons, de pierres et de dynamite. Au total, 26 personnes ont été blessées et le mandataire a du annuler sa visite. Le lendemain, les organisations paysannes ont répondu par des blocages de routes.
Les nationalisations se poursuivent
Malgré les violences et les difficultés à avancer dans l'approbation de la nouvelle Constitution, Evo Morales continue les nationalisations entamées depuis 2006.
Le 3 juin denier, il a annoncé la nationalisation (en fait un rachat d'actions) de Transredes, l'entreprise de transport d'hydrocarbures. La moitié des actions appartenaient à TR-Holding, une filiale des multinationales Shell et Ashmore.
Après avoir récemment racheté les 51% de l'entreprise, l'Etat bolivien par l'intermédiaire de l'entreprise gazière publique YPFB en contrôlera désormais les 98%.
Durant son discours pour l'occasion, Morales a dénoncé que Transredes appuyait les activités des préfets de l'opposition et leurs plans séparatistes, notamment dans le département de Tarija.
"J'ai de nombreuses informations qui prouvent que cette entreprise conspirait en permanence contre le gouvernement et contre la démocratie. Mes ministres le savent, j'ai supporté depuis 2006 ces conspirations mais la patience a des limites. Nous n'allons pas permettre que d'autres entreprises conspirent, comme Enron ou Ashmore", a-t-il expliqué.
Après le référendum révocatoire du 10 août, un autre défis attendra Morales et les mouvements sociaux. Il s'agit de la ratification, par un autre référendum, de la nouvelle Constitution approuvée en décembre dernier par l'Assemblée constituante, boycottée elle aussi par l'opposition.
Notes:
(1) La CNE considère ces consultations illégales car elle estime qu'elles doivent être convoquées par le Congrès national et non pas par les autorités départementales.
Morales joue le quitte ou double, en misant sur le large soutien dont il jouit chez les populations indigènes, paysannes et ouvrières. L'autre chemin, celui de la négociation avec les préfets radicaux de la dénommée "Demi Lune", des départements de Beni, Pando, Tarija et Santa Cruz, a échoué.
Parmi ces quatre régions, trois ont déjà réalisé leur référendum autonomiste, malgré le fait que la Cour nationale électorale (CNE) les ait déclaré illégaux (1). Il s'agit de Santa Cruz le 4 mai dernier, ainsi que Beni et Pando le premier juin. Tarija devrait suivre le 22 juin.
Ces consultations illégales ont été marquées par une très faible participation. Selon les résultats communiqués, le département de Pando a enregistré une abstention de 46,5%, alors que la chaîne de télévision privée ATB parlait de 50,1%, dans une région qui compte à peine 28 000 personnes en âge de voter.
Dans le cas de Beni, l'abstention a été de 34% sur une population d'à peine 134 483 personnes inscrites au registre électoral. Et à Santa Cruz elle a tourné autour des 40% d'une population votante de 935 527 personnes.
Les résultats communiqués par les cours électorales départementales, contrôlées par l'opposition, font état de 87% pour le "oui" à Pando, 80% à Beni et 85% dans la riche région de Santa Cruz.
Il est important de souligner tout d'abord que ces consultations se sont réalisées sans observateurs nationaux ni internationaux. Même l'Organisation des Etats américains (OEA), qui n'est pas forcément connue pour ses prises de position progressistes, avait refusé d'envoyer des observateurs et avait plaidé en faveur de l'unité constitutionnelle en Bolivie.
Ensuite, l'abstention constitue une démonstration du soutien dont jouit Evo Morales, y compris dans ces régions, étant donné que le message tant du gouvernement comme des mouvements sociaux avait été d'appeler au boycott des consultations, afin de ne pas les légitimer.
Mobilisations populaires
Lors de ces différents référendums, les organisations sociales et syndicales se sont mobilisées dans le pays pour rejeter les statuts autonomistes des départements gouvernés par la droite.
"Nous les travailleurs, nous rejetons ces statuts et rappelons à nos bases que la meilleure manière de démontrer notre rejet est de ne pas aller voter", déclarait le 31 mai la présidente de la Centrale ouvrière de Beni, Sonia Guardia.
Dans les trois départements, travailleurs, paysans et indigènes se sont mobilisés le jour des référendums par des blocages de routes et des manifestations. Dans certaines localités ils ont essayé d'empêcher l'ouverture des bureaux de vote et ont confisqué des urnes qu'ils ont brûlées, parce qu'ils considéraient qu'elles contenaient des bulletins de vote falsifiés.
Le 4 mai, 700 000 personnes ont manifesté à El Alto et à Cochabamba pour exprimer leur désaccord avec ces consultations illégales.
Violences racistes de l'opposition
Pour sa part, l'opposition avait mobilisé ses groupes de chocs. Les organisations d'extrême droite, parmi lesquelles l'Union des Jeunesses cruceñistes (Unión Juvenil Cruceñista, de Santa Cruz) avaient fait le déplacement à Beni et Pando où elles ont agressé des membres d'organisations sociales qui s'étaient mobilisés pour le "non" aux autonomies.
Au delà de la composante de classe entre membres de la bourgeoisie de Santa Cruz ou des autres départements et paysans ou travailleurs, il existe également une composante raciale entre blancs qui appartiennent à cette même bourgeoisie et indigènes ou amérindiens.
Le 24 mai dernier, des dizaines de paysans indigènes ont été humiliés et battus par des membres du dénommé Comité Interinstitutionnel, dans la ville de Sucre (département de Chuquisaca, au sud), alors qu'ils s'apprêtaient à participer à une mobilisation pro gouvernementale à laquelle devait assister le président Morales. Les paysans ont été dénudés jusqu'à la ceinture, leurs vêtements ont été brûlés et ils ont été forcés à marcher à genoux et à scander des slogans anti-Morales.
Les membres du Comité Interinstitutionnel étaient armés de bâtons, de pierres et de dynamite. Au total, 26 personnes ont été blessées et le mandataire a du annuler sa visite. Le lendemain, les organisations paysannes ont répondu par des blocages de routes.
Les nationalisations se poursuivent
Malgré les violences et les difficultés à avancer dans l'approbation de la nouvelle Constitution, Evo Morales continue les nationalisations entamées depuis 2006.
Le 3 juin denier, il a annoncé la nationalisation (en fait un rachat d'actions) de Transredes, l'entreprise de transport d'hydrocarbures. La moitié des actions appartenaient à TR-Holding, une filiale des multinationales Shell et Ashmore.
Après avoir récemment racheté les 51% de l'entreprise, l'Etat bolivien par l'intermédiaire de l'entreprise gazière publique YPFB en contrôlera désormais les 98%.
Durant son discours pour l'occasion, Morales a dénoncé que Transredes appuyait les activités des préfets de l'opposition et leurs plans séparatistes, notamment dans le département de Tarija.
"J'ai de nombreuses informations qui prouvent que cette entreprise conspirait en permanence contre le gouvernement et contre la démocratie. Mes ministres le savent, j'ai supporté depuis 2006 ces conspirations mais la patience a des limites. Nous n'allons pas permettre que d'autres entreprises conspirent, comme Enron ou Ashmore", a-t-il expliqué.
Après le référendum révocatoire du 10 août, un autre défis attendra Morales et les mouvements sociaux. Il s'agit de la ratification, par un autre référendum, de la nouvelle Constitution approuvée en décembre dernier par l'Assemblée constituante, boycottée elle aussi par l'opposition.
Notes:
(1) La CNE considère ces consultations illégales car elle estime qu'elles doivent être convoquées par le Congrès national et non pas par les autorités départementales.
Article publié dans La Gauche, juin-juillet 2008
Lire aussi sur ce blog l'article Bolivie, une opposition sans concessions, janvier 2008
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