L'annonce de l'approbation, le 18 juin dernier, de la Directive Retour par le Parlement européen a suscité une vague d'indignation en Amérique Latine, non seulement au sein des populations mais également parmi les gouvernements.
L'une des premières voix à être reprise dans les médias européens fut celle du président bolivien, Evo Morales, qui a écrit une lettre ouverte (1) aux responsables politiques du Vieux Continent.
Dans cette lettre Morales se demandait: "comment pouvons-nous accepter sans réagir que soient concentrés dans ces camps (centres fermés, ndlr) nos compatriotes et frères latino-américains sans papiers, dont l’immense majorité travaillent et s’intègrent depuis des années?".
Et le premier président amérindien de la Bolivie concluait son appel aux dirigeants européens de la sorte: "Vous ne pouvez pas faillir aujourd’hui dans vos 'politiques d’intégration' comme vous avez échoué avec votre supposée 'mission civilisatrice' du temps des colonies".
Mais Morales ne fut pas le seul à rejeter la "Directive de la Honte", les institutions régionales l'ont également fait.
Le 26 juin, l'Organisation des Etats américains (OEA) décidait de créer une commission de haut niveau afin d'établir un dialogue avec l'Union européenne dans le but de "corriger" la directive.
Plus récemment, le premier juillet, le Marché commun du Sud (Mercosur) terminait son XXXVème Sommet de chefs d'Etat et de gouvernement avec une déclaration de rejet unanime de la Directive Retour.
Vers des actions concrètes?
Dans sa lettre aux parlementaires européens, le président Morales soulignait que parallèlement à la Directive Retour, "l’Union européenne tente de convaincre la Communauté andine des nations (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou) de signer un 'Accord d’association' qui inclut en son troisième pilier un traité de libre-échange, de même nature et contenu que ceux qu’imposent les Etats-Unis".
"Nous subissons une intense pression de la Commission européenne pour accepter des conditions de profonde libéralisation pour le commerce, les services financiers, la propriété intellectuelle ou nos services publics. De plus, au nom de la 'protection juridique', on nous reproche notre processus de nationalisation de l’eau, du gaz et des télécommunications réalisés le Jour des travailleurs".
"Je demande, dans ce cas : où est la 'sécurité juridique' pour nos femmes, adolescents, enfants et travailleurs qui recherchent un horizon meilleur en Europe ?", ajoutait-il.
Et c'est dans cette direction que le président du Venezuela, Hugo Chávez, a orienté son discours. Au lendemain de l'approbation de la directive par le Parlement européen, il déclarait en compagnie du président élu du Paraguay, Fernando Lugo, que "pour les pays qui appliquent cette directive, nous allons revoir leurs investissements ici (au Venezuela) et faire une directive retour vers l'Europe aussi" (2).
"En tout cas, ici au Venezuela, nous n'en avons pas besoin (des investissements européens, ndlr)", avait déclaré Chávez.
Le président vénézuélien avait également averti l'Europe qu'en cas d'application de la directive, "nous n'allons pas rompre les relations, mais en tout cas nous arrêterons d'envoyer notre pétrole aux pays qui mettent en oeuvre la directive". Cependant la vente de pétrole vers l'Europe ne représente qu'un pourcentage minime des exportations vénézuéliennes dans ce domaine. Même chose pour les pays européens qui n'importent qu'un nombre réduit de barils du Venezuela.
Ce samedi 5 juin, jour de la fête d'Indépendance du Venezuela, Chávez a réitéré son discours. En présence d'Evo Morales qui était invité d'honneur, le chef d'Etat vénézuélien a réaffirmé que dans son pays "il y a des banques et des entreprises européennes, elles pourraient partir, les entreprises pétrolières aussi. Les choses sont sérieuses".
Contradictoire?
A côté de ces menaces de Chávez, que les secteurs de gauche au Venezuela aimeraient voir mises à exécution, le discours du président reste contradictoire.
En effet, le 11 juin dernier le Comandante a surpris en annonçant une série de mesures visant à "réimpulser l'économie".
Cependant, si certaines de ces mesures peuvent aider les petits producteurs à assurer leurs récoltes à des prix justes (condamnation de dettes, prêts à faibles taux, etc.), d'autres montrent l'hésitation à approfondir le processus vers la gauche; comme par exemple l'annonce de la suppression d'un impôt sur les transactions financières.
Mais au-delà des annonces économiques, c'est le symbole qui a frappé et déçu le mouvement populaire. Chávez est en effet apparu ce jour-là au côté des grands capitalistes vénézuélien, une façon de leur tendre la main.
Même ceux qui avaient participé activement au coup d'Etat d'avril 2002 et au lock-out patronal qui avait suivi en décembre de la même année figuraient parmi les invités.
Il a appelé le secteur privé à participer à l'effort productif au Venezuela, chose que ce secteur n'a jamais fait durant les 50 dernières années de démocratie représentative, maintenant le pays dépendant des importations et le condamnant à n'être qu'un exportateur de matières premières, principalement de pétrole.
Chávez a également tendu la main aux banques privées (!) et les a invité à "suivre l'exemple (des financements publics, ndlr), avec des taux en-dessous des taux du marché, des garanties et des délais de grâce".
Bref, vu ces déclarations contradictoires et l'échéance électorale du scrutin régional de novembre prochain, on peut s'attendre à ce que la "directive retour" pour les investissements européens ne soit pas pour demain.
Notes:
(1) Non à la directive européenne de la honte
(2) Chávez rejette "de toute son âme" la directive Retour approuvée par l’Union Européenne
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire