vendredi 23 janvier 2009

Refonder la Bolivie et reconnaître le rôle social de la coca

(Photo : Seb)

Dans la région des Yungas, au nord-est de La Paz, la tradition veut qu’un homme qui demande une femme en mariage apporte une poignée de feuilles de coca aux parents de celle-ci, enveloppées dans un "tari", le tissu traditionnel aymara.

En plus de considérer la petite feuille verte comme une importante source de revenu, les peuples indigènes de Bolivie la conçoivent également comme un facteur de cohésion sociale.

"La feuille de coca fait partie de notre culture mais elle nous a en plus uni en tant que mouvements sociaux", explique Sabino Mendoza, dirigeant "cocalero" et ex membre de l’assemblée constituante qui fut chargée de rédiger le projet de constitution qui sera soumis à référendum ce 25 janvier.

L’article 384 de ce texte consacre la feuille de coca comme "patrimoine culturel, ressource naturelle renouvelable de la biodiversité de la Bolivie et comme facteur de cohésion sociale". Il y est également stipulé que "l’Etat protège la coca originaire et ancestrale", considérée dans son état naturel comme n’étant pas un produit stupéfiant.

Dans le petit village de Coroico, au coeur de cette région montagneuse et humide que son les Yungas, Sabino Mendoza s’adresse aux paysans réunis devant le siège de campagne du MAS (Mouvement au Socialisme, parti d’Evo Morales). Les exemplaires du nouveau texte constitutionnel s’arrachent comme des petits pains.

"Vous devez lire ce texte ‘compañeros’, il ne faut pas aller voter comme des robots sans savoir pour quoi vous votez ! Cette constitution va refonder la Bolivie et va reconnaître la feuille de coca".

L’article reconnaissant la feuille ancestrale est l’argument principal pour appeler à voter "oui" dans cette région, mais c’est aussi le principal sujet de discussion dans les réunions. "Que se passera-t-il si la coca se généralise dans tout le pays et si les prix se mettent à baisser ?", s’inquiète un cultivateur présent à l’assemblée dans le village de Santa Rosa, à quelques kilomètres de Coroico.

Le projet de constitution prévoit que "la revalorisation, production, commercialisation et industrialisation" de la coca sera régie par la loi. La législation actuelle tolère la culture de la coca à des fins traditionnelles mais prévoit sa substitution progressive. Et sa production n’est permise que dans certaines régions, pour une surface totale qui ne dépasse pas les 12 mille hectares.

Selon Sabino Mendoza, la nouvelle loi générale de la coca devrait autoriser une surface de culture de 20 mille hectares. "Il doit exister un contrôle rigoureux, il faut condamner ceux qui trafiquent les produits chimiques pour extraire la cocaïne de la coca. Mais la coca n’est pas un produit chimique, dans son état naturel ce ne sera jamais de la cocaïne".

Propriété intellectuelle collective

Mais la reconnaissance de la feuille de coca n’est pas le seul avantage dont jouiront les peuples indigènes avec l’approbation de ce nouveau texte. Ils seront désormais reconnus comme "nations et peuples indigènes originaires paysans". Et chacune de leurs langues (36 au total) sera reconnue comme langue officielle, en plus de l’espagnol.

Ils se verront attribuer "l’utilisation exclusive des ressources naturelles renouvelables existantes sur leur territoire", ainsi que la propriété intellectuelle collective de leurs "savoirs et connaissances".

Le texte reconnais également différents statuts d’autonomie, thème qui fut la pomme de discorde avec l’opposition des départements de Santa Cruz, Beni, Pando et Tarija. La nouvelle constitution instaure des autonomies départementales, régionales, municipales et "indigènes originaires paysannes". Tout cela dans le respect de l’unité du pays.

"C’est une constitution qui a été élaborée par nos propres organisations sociales, depuis la base. La constitution actuelle ne tient pas compte des paysans et des pauvres. C’est pourquoi nous nous sommes tant battus pour obtenir ce nouveau texte", explique Victoriano Choque, lui aussi dirigeant "cocalero" de Coroico.

Et c’est probablement lui qui résume le mieux ce que cette constitution, si elle est approuvée par référendum ce 25 janvier, apportera aux boliviens.

"Cette nouvelle constitution n’est rien de plus qu’un tronc avec ses racines. Ensuite, les organisations sociales devront le compléter en y apportant les branches, et les branches se complèteront par des feuilles. Finalement ces feuilles vont fleurir et vont donner des fruits, et ces fruits seront un bénéfice pour tous le pays".

Article publié sur le Risal, janvier 2009

dimanche 11 janvier 2009

Wal-Mart pousse sa filiale chilienne à punir Cuba

Globalisation et ouverture des marchés obligent, le traditionnel pisco chilien est de plus en plus détrôné par les marques de rhum de tout le continent. Selon le journal local La Tercera, "il y a huit ans, pour chaque bouteille de rhum consommée au Chili il s’en vendait 15 de pisco. Aujourd’hui la proportion n’est plus que de 1 pour 3".

Tous les pays producteurs on leur place dans les rayons des supermarchés chiliens : Nicaragua, Venezuela, Panama, Cuba, République Dominicaine, etc. Cependant, malgré le discours officiel de "liberté totale" du libéralisme économique, il arrive que la politique prenne le dessus sur le libre commerce.

En début d’année, la presse locale a annoncé une OPA sur le groupe D&S (qui représente 34% du marché chilien de la grande distribution) par le géant étasunien Wal-Mart. Mais le plus grand distributeur mondial n’a pas encore pris formellement le contrôle du capital de l’entreprise chilienne que la polémique enfle déjà: Wal-Mart veut interdire à sa future filiale de vendre des produits cubains dans ses rayons.

Certains médias avancent également la possibilité que la mesure soit appliquée aux produits vénézuéliens et iraniens. Ce genre de discrimination, dans le cas de Cuba, ne ferait que renforcer le blocus en vigueur contre l’île depuis plus de 40 ans. Celui-ci fut condamné à maintes reprises par les Nations Unies à l’exception des Etats-Unis et d’Israël principalement.

En appliquant cette mesure, Wal-Mart se plierait aux lois Helms-Burton et Torricelli, qui consacrent l’extraterritorialité du droit US. Selon le site Internet 123.cl, les rhums cubains et vénézuéliens auraient commencé à être vendus à moitié prix dans les supermarchés D&S, afin d’écouler les stocks.


D’autre part, la Centrale autonome des Travailleurs (CAT) a rejeté cette semaine l’arrivée de Wal-Mart sur le marché chilien et dénoncé "les politiques anti-syndicales de cette multinationale".


Malgré ces attaques clairement politiques contre Cuba et les politiques reconnues de Wal-Mart en matière syndicale, le président du Parti socialiste chilien, Camilo Escalona, déclarait encore récemment que "les frontières idéologiques sont affaires du passé".

jeudi 1 janvier 2009

Pour une année 2009 pleine de luttes

En 2009 la voix du sud continuera à vous informer sur ce qui se passe en Amérique latine et plus particulièrement au Venezuela. Le blog (votre blog) continuera à vous donner une vision différente de celle présentée par les multinationales de la communication.

La voix du sud se donnera à fond pour vous faire vivre les événements qui se déroulent de ce côté de l’Atlantique, à travers les mots et les images.
Le blog essaie de donner à la photo la place qu’elle mérite, tant pour son côté artistique que pour son caractère informatif. Cette tendance continuera en 2009 afin de vous montrer aussi ce que les mots ne peuvent décrire : les regards, les sourires mais aussi la colère et les luttes. Tout cela bien sûr sans délaisser les textes plus fouillés et les analyses.
La voix du sud amplifiera aussi ses collaborations, notamment avec l’émission Nuestra América sur Radio Zinzine, d’Aix-en-provence. Mais aussi avec Ecos del Mundo, émission diffusée (en espagnol) sur Radio Nacional de Venezuela. Les collaborations écrites continueront bien entendu de venir nourrir le blog.
Dans les prochains jours je publierai une interview d’Orlando Caputo, réalisée à Santiago du Chili en décembre. Caputo est économiste et fut un proche collaborateur de Salvador Allende. Il fut également l’un des principaux protagonistes de la nationalisation du cuivre, en tant que gérant général de l’entreprise chilienne de cuivre, Codelco, sous le gouvernement Allende.
Finalement, la voix du sud couvrira le référendum sur la nouvelle constitution bolivienne le 25 janvier prochain, depuis La Paz, Cochabamba et Santa Cruz. Ce sera également l’occasion de rencontrer les acteurs de terrain dans cette Bolivie en ébullition : mouvements sociaux, médias alternatifs, intellectuels, etc.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une année 2009 pleine de luttes : joyeuses, classistes et combatives.
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Note:
Graffiti sur un mur de Valparaiso, Chili. "Lutte joyeuse, classite et combative". (Photo: Seb)


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