dimanche 31 janvier 2010

Hugo Chávez tente de "freiner l'avalanche des importations"

Le Venezuela poursuit toujours sont "vieux rêve"
de devenir une économie non dépendante. (Photo: Seb)

Pour atténuer la dépendance pétrolière, Caracas dévalue sa monnaie. Si la flambée spéculative est contrée, l'inflation devrait quand même s'accentuer.

Le 8 janvier dernier le président vénézuélien Hugo Chavez annonçait une dévaluation de la devise nationale. Le bolivar, qui s'échangeait jusque-là à un taux de 2,15 pour un dollar, est désormais soumis à un double taux de change. Les secteurs jugés prioritaires bénéficient d'un rapport de 2,60 bolivars/dollar, c'est le cas principalement des produits liés à la santé, à l'alimentation, aux importations du secteur public, aux équipements, etc. Pour les secteurs jugés "non-indispensables", le dollar s'échange maintenant contre 4,30 bolivars. Ce taux s'applique à tout le reste de l'économie (automobile, commerce, télécommunications, construction, textile, services, boissons, etc.).

Plutôt que de dévaluation, le gouvernement bolivarien préfère parler officiellement de "réévaluation" ou d'"ajustement" du bolivar. D'ailleurs, selon le président Hugo Chávez, cette mesure n'a pas été prise pour "faire face à une crise fiscale, ni afin de payer la dette interne ou externe", mais en vue de "freiner l'avalanche d'importations". De fait, le Venezuela dépend par exemple à 70% de l'étranger pour ses denrées alimentaires. "Avec un dollar 'bon marché', les entreprises se sont concentrées sur les importations et ont abandonné la production interne", soutient Hugo Chávez.

Un dollar subventionné


Au dire de l'économiste Victor Alvarez, ancien ministre des Industries de base et des Mines, la surévaluation du bolivar, maintenue en place jusqu'à présent par le contrôle des changes, avait rendu nécessaire la dévaluation. "Cette mesure d'adaptation du taux de change a d'ailleurs été longuement reportée, elle aurait dû être appliquée à peine détectés les premiers signes de surévaluation", estime-t-il.


Par surévaluation, on entend le fait que le pouvoir d'achat du bolivar soit plus important sur les marchés internationaux que sur le marché local. "Et cela est dû à une inflation au Venezuela supérieure à celle qu'on retrouve dans les autres pays et notamment chez nos principaux partenaires commerciaux", explique M. Alvarez.

Le taux de change fixe, contrôlé par l'Etat depuis 2003 et maintenu à 2,15 depuis 2005, soutenait en fait le bolivar à un taux irréel et constituait dans la pratique un subside aux importations. "Alors que le Venezuela a systématiquement critiqué, au sein des institutions internationales comme l'OMC, les subventions accordées par les Etats-Unis et l'Union européenne à leurs exportations (notamment dans le domaine de l'agriculture), cette surévaluation du bolivar constituait en fait une contradiction terrible de la part du gouvernement", ajoute l'ancien président de la Banque de commerce extérieur.

Une situation paradoxale, qui a énormément affecté l'appareil productif que le gouvernement de Hugo Chávez prétend pourtant développer afin de contrer la dépendance historique au pétrole.

Face à la volonté affichée par l'exécutif, beaucoup s'interrogent néanmoins sur la capacité de l'industrie vénézuélienne à exporter alors qu'elle peine bien souvent à couvrir le marché national. "Les entreprises mises en difficulté par le contrôle des changes et la surévaluation de la monnaie ne refleuriront pas d'un jour à l'autre, elles ne se transformeront pas tout à coup en entreprises efficaces. Les entreprises vénézuéliennes sont structurellement inefficaces, elles disposent d'un niveau technologique très faible et ne font pas d'économies d'échelle. Il sera donc très difficile d'être compétitifs sur le marché mondial", analyse pour sa part l'économiste Manuel Sutherland, de l'Association latino-américaine d'économie politique marxiste (ALEM).

Spectre de l'inflation


Pour l'instant, la principale appréhension de la population et des analystes est que cette dévaluation contribue à augmenter une inflation qui se situe déjà autour des 25% par an. Au lendemain de l'annonce de la mesure, plusieurs magasins d'électroménager ont été pris d'assaut par des consommateurs inquiets d'une possible flambée des prix des produits importés. Mais la situation étant restée sous contrôle, les faits ne se sont pas étendus.

"Le gouvernement parle de 'freiner les importations non-nécessaires'. Mais ces importations ne vont pas diminuer, elles vont simplement devenir plus chères", avertit toutefois M. Sutherland. L'économiste estime en outre "tout à fait arbitraire" la différence établie entre les biens dits "nécessaires" et les autres. "Des chaussures, des vêtements, un téléphone sont des biens nécessaires pour la population mais tout cela va devenir plus cher et cette situation va appauvrir les travailleurs", argumente-t-il.

Expropriations

Relancer efficacement l'appareil productif prendra donc du temps. Dans l'immédiat, le gouvernement a lancé une importante campagne de sensibilisation et de contrôle pour lutter contre la spéculation et contre ce qu'il considère comme une augmentation abusive des prix; appelant même les consommateurs à dénoncer les abus et menaçant d'expropriation les commerces soupçonnés de spéculer. Le 20 janvier, Hugo Chávez a d'ailleurs joint la parole aux actes en signant le décret d'expropriation des hypermarchés Exito, détenus majoritairement par le groupe français Casino et accusés d'irrégularités
.

Afin d'atténuer au maximum les effets de la dévaluation, le gouvernement a annoncé deux mesures complémentaires principales. La première est l'augmentation du salaire minimum de 25% entre mars et septembre. La seconde consiste en des émissions de bons par la Banque centrale (pour 140 millions de dollars jusqu'à présent) afin de fournir des devises au taux régulé aux entreprises et personnes physiques et ainsi les dissuader d'avoir recours au marché noir plus élevé et considéré comme l'un des facteurs favorisant l'inflation.

Investir le surplus fiscal


D'après Victor Alvarez, ces mesures sont nécessaires mais pas suffisantes. L'économiste pense qu'il faudrait renforcer et compléter l'ajustement du taux de change par un ensemble de mesures macro et microéconomiques, comme par exemple s'assurer que l'augmentation des rentrées fiscales de l'Etat (due à la vente de dollars à un prix plus élevé) soit réinvestie dans l'amélioration des infrastructures productives et pas seulement dans les dépenses courantes: "Ces sommes additionnelles doivent être investies dans la réactivation de l'agriculture, de l'industrie, afin de créer des emplois productifs et de pouvoir, enfin, réaliser ce vieux rêve vénézuélien de transformer l'économie rentière en une économie productive exportatrice".



Electricité rationnée

Cette pénurie d'électricité risque d'affecter l'économie: les entreprises de base ont aussi dû réduire fortement leur production. (Photo: Seb)

"Si on ne fait rien, on risque de voir s'effondrer le système électrique national." Cette déclaration du président de la Fédération des travailleurs du secteur électrique, Angel Navas, date d'octobre 2009. A l'époque, les travailleurs dénonçaient le manque de planification et la mauvaise gestion de la Corporation électrique nationale (Corpoelec). Aujourd'hui, l'entreprise publique est contrainte de lancer un plan de rationnement dans tout le pays et le système risque effectivement de s'effondrer à la mi-avril si des mesures drastiques ne sont pas prises pour diminuer la demande de 1600 mégawatts (MW).

Aux manquements dénoncés par les travailleurs est venue s'ajouter une année 2009 particulièrement sèche. Dans un pays qui dépend à 70% de la génération hydroélectrique, la combinaison des deux facteurs devient explosive. D'après la direction du barrage du Guri, dont dépend la majeure partie de la production hydroélectrique, atteindre le niveau critique impliquerait l'arrêt de huit turbines. Ce qui signifierait la perte de 5000 MW, c'est-à-dire l'équivalent de deux Caracas et demie sans électricité.

Les "mesures drastiques" ont déjà commencé. Le gouvernement a réduit les horaires des fonctionnaires de l'administration qui ne travaillent désormais plus que de 8 h à 13 h, et ce pour une période prévue de 150 jours. Par ailleurs, cette pénurie d'électricité risque d'affecter l'économie: les entreprises de base (sidérurgies, métallurgies, briqueteries, etc.) ont aussi dû réduire fortement leur production. Pour y pallier, le président Hugo Chávez a annoncé un investissement de 200 millions de dollars dans l'achat à l'entreprise russe Gazprom de quatre stations électriques.

Finalement, un plan de rationnement à Caracas a été suspendu en moins de 24 h pour avoir été "mal exécuté". Cette mauvaise manoeuvre a coûté son poste au récemment nommé ministre de l'Energie électrique, Angel Rodríguez.



Articles publiés dans le quotidien suisse Le Courrier le 26 janvier 2010

2 commentaires:

Kepler a dit…

comment veut-on croire que le gouvernement veut promovoir les éxportations et pas seulement avoir plus d'argent pour les élections prochaines?

Le ministre Saman avait dit le même jour qu'ils voulaient importer à Bs2.6 le dollars 60000 voitures et une grande quantité des apareils électriques (de tele, de refrigerateurs, etc).

Et comment veut-on promovoir les exportations si on ne connais pas encore la taux pour les dollars qui ont veut repatrier?

Je me rappelle que aux années 90 (moitiée) ont avait commencé a voir une multiplication des industries qui produisait prémierement pour le marché national, mais de plus en plus, pour l'éxportation. Un cas que je connait bien était Rualca, una entreprise qui produisait au debout pour Ford et GM Vénézuéla, mais qui avait commencé à éxporter.

En 1995, 97% de la production de Rualca était déjà pour l'éxportation. Maintenant, Rualca n'est que le souvenir de ceci qu'elle était. Dans les derniers années le recul de la manufacture locale s'est accéléré.

J'avais écrit il y a longtemps qu'on dévait dévaluer, mais avec un plan (pour les hôpitaux, etc).
Le gouvernement avait dit tout le temp que ce n'était pas nécessaire.

La même chose avec le prix de l'essence: il faut l'augmenter, mais avec un plan pour le transport publique, avec un systeme automatisé de contrôle.
Le gouvernement de Hugo ne veut pas parce qu'il a peur d'avoir la même chose que s'est passé avec Pérez.

olivia kroth a dit…

Bonsoir,

la situation d'électricité rationnée pourra s'améliorer avec l'énergie nucléaire au Vénézuéla.

Naturellement, l'opposition tente de boycoter les projets nucléaires de HUGO CHÁVEZ. C'est une réalité quotidienne, le sabotage de l'opposition.



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