mardi 24 avril 2007

L’Equateur en reconstitution

Article publié dans Le Drapeau Rouge, mai 2007

Le 15 avril dernier, 9,2 millions d’Equatoriens (sur une population de 13,5 millions) étaient appelés à se prononcer par référendum sur la proposition d’Assemblée constituante. Si l’on observe des points communs entre l’agenda fixé par le président Rafael Correa et celui suivi à l’époque par le vénézuélien Hugo Chávez, la ressemblance la plus flagrante se trouve du côté de l’opposition. Et une fois de plus, les médias font partie de la stratégie.

Les visages défilaient à l’écran. Sous le soleil, ils étaient réunis devant l’hôpital militaire de Santiago où agonisait Pinochet. En les voyant en décembre dernier pleurer la mort de l’ex-dictateur chilien, tout devenait plus clair dans ma tête. C’était les mêmes ! Les mêmes qui, lors du coup d’Etat fasciste qui secoua le Venezuela le 11 avril 2002, avaient applaudi la prise de pouvoir du patron des patrons, Pedro Carmona. Les mêmes visages, blancs pour la plupart, lunettes de soleil et chemise de marque. La même haine envers tout ce qui est noir, indien, travailleur, socialiste ou communiste. La même admiration du modèle nord-américain. Et ce sont de nouveau les mêmes aujourd’hui en Equateur qui ont mené campagne contre Correa et sa proposition d’Assemblée constituante.

Le président équatorien a dénoncé une intense "propagande millionnaire et mensongère". Dans le pays le plus instable de la région (huit chefs d’Etat se sont succédés dans la dernière décennie), l’oligarchie nationale se permet encore de donner des "conseils" et des mises en garde face au "modèle totalitaire du président Chávez" que voudrait imposer Rafael Correa. Les médias nationaux et internationaux s’empressent de relayer ce message avec une servilité complaisante.

Les trois pays latino-américains à être passés par une Assemblée constituante sont le Venezuela, la Bolivie et aujourd’hui l’Equateur. En se référant aux difficultés qu’affronte actuellement Evo Morales, le président équatorien a assuré qu’il ne répèterait pas les erreurs commises en Bolivie : "Le problème de l’assemblée bolivienne s’est trouvé dans ses statuts. Avec toute la sympathie et tout le respect que j’ai pour Evo Morales, je crois qu’il a commis une erreur fondamentale : essayer de dialoguer, d’établir un consensus avec des gens qui ne veulent rien changer."

La nouvelle constitution

Les 130 représentants élus à l’Assemblée constituante (qui devrait être installée avant la fin de l’année) disposeront des pleins pouvoirs pour rédiger la nouvelle constitution. Laquelle devra à son tour être légitimée par référendum populaire. Parmi les grandes lignes de cette nouvelle carta magna, le président Correa a annoncé la "planification avec participation sociale et le contrôle citoyen contre la corruption." Toute personne élue devra rendre des comptes et tout mandat issu d’élections populaires sera révocable.

Au niveau économique, il promet un "modèle économique solidaire, avec un rôle régulateur de l’Etat afin de combattre la pauvreté". De même que "l’exploitation, l’utilisation soutenable et la propriété sociale des ressources naturelles stratégiques, afin de satisfaire les nécessités actuelles et futures de la population et non le paiement de la dette extérieure". L’Equateur a également l’intention de se joindre à l’initiative, lancée par le Venezuela et l’Argentine, de créer une Banque du Sud. Cet organisme qui devrait voir le jour dès juin 2007, vise à renforcer la souveraineté financière face aux organismes internationaux tels que la Banque Interaméricaine de Développement (BID), la Banque Mondiale et le FMI. Le pays andin a comme autre objectif de relancer sa production pétrolière et de réintégrer l’OPEP. Au niveau de l’intégration latino-américaine, on peut également s’attendre à ce que Quito rejoigne Cuba, la Bolivie, le Nicaragua et le Venezuela au sein de l’ALBA (Alternative Bolivarienne des Amériques).

L’émancipation par l’intégration

De passage à Caracas, Pierina Correa, coordinatrice d’émigration du mouvement Alianza País (le parti du président équatorien), déclarait récemment : "Ce que nous voulons c’est un développement de la région et pas seulement d’un pays. Un développement qui privilégie l’être humain au-delà des intérêts de type politique ou économique. On assiste aujourd’hui au retour des gouvernements aux mains du peuple et la pensée de Bolivar s’étant de plus en plus. Nous travaillons pour appuyer cette lutte qui renforcera la région et permettra de former un bloc solide."

L’émergence et l’émancipation des peuples d’Amérique latine passe inévitablement par cette intégration solidaire prônée actuellement par les gouvernements progressistes. La tâche de Rafael Correa reste immense. Bien que doté d’une nouvelle constitution, le pays continuera de fonctionner dans le cadre des institutions bourgeoises. Et au-delà d’une propagande médiatique féroce tant intérieure qu’extérieure, le peuple équatorien devra affronter une résistance active des secteurs les plus conservateurs et réactionnaires de la société. Car même lorsque la redistribution des richesses essaie de se mener de façon pacifique, les plus nantis n’abandonnent jamais leurs privilèges sans tirer leurs dernières cartouches. Les nostalgiques pleurant la mort de Pinochet en décembre dernier sont là pour nous le rappeler.

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