mercredi 9 février 2011

Venezuela : le défi du logement pour tous

Le gouvernement de Hugo Chávez a accumulé un déficit sans précédant dans la construction de logements. Les inondations de fin 2010 n'ont fait qu'aggraver la situation.






(Photo: Seb)


Caracas, ville encombrée où seuls les moto-taxis échappent aux embouteillages. Ville des inégalités aussi, entre les quartiers populaires situés à flancs de collines et les zones huppées où le loyer d'un petit appartement peut valoir plus de six fois le salaire minimum. Les pluies intenses qui ont touché tout le pays à la fin 2010 ont mis à nu l'une des contradictions du gouvernement bolivarien. Alors que celui-ci revendique sans cesse son soutien aux plus démunis, il a été le moins productif de ces 40 dernières années en matière de logement. En effet, les administrations antérieures avaient maintenu une moyenne de 67 000 logements par an. Depuis 1999 l'exécutif de Hugo Chávez n'a jamais dépassé les 30 000 annuels.


Beaucoup de lois, peu de constructions


A la mi-décembre, l'Assemblée nationale a accordé à Hugo Chávez une nouvelle loi habilitante lui permettant de légiférer par décret pendant 18 mois. Officiellement, le gouvernement espère ainsi résoudre le problème des 130 000 personnes sinistrées par les pluies et aujourd'hui réfugiées dans des campements improvisés (écoles, bâtiments publics et même certains hôtels réquisitionnés). A titre d'exemple, le Comandante a approuvé en janvier, par le biais de l'habilitante, une Loi des refuges dignes, visant à assurer des conditions de vies acceptables pour les familles sinistrées. On peut cependant s'interroger sur l'utilité d'approuver une loi pour garantir ce genre de mesures.

Par ailleurs, l'habilitante permet également d'adapter rapidement la législation afin de récupérer de nombreux terrains sous-utilisés, surtout en milieu urbain. Cependant, si cette mesure pourrait s'avérer judicieuse dans le cadre d'une politique de logement planifiée sur le long terme, elle apparaît ici comme une nouvelle décision prise dans l'urgence et visant à rattraper un déficit produit de plusieurs années.

Dans le cas de la capitale, les autorités de la mairie du grand Caracas (aux mains de l'opposition) dénoncent que, depuis 2007, l'Exécutif a promis la construction de 55 000 logements et n'en a terminé concrètement qu'à peine 1000. De son côté, l'ONG de défense des droits de l'homme Provea dénonce dans son rapport annuel (2009-2010) le peu de transparence dans les chiffres relatifs au logement présentés par le gouvernement. L'organisation assure que "pour la troisième année consécutive, le rapport de l'organisme chargé de coordonner la politique de logement ne présente pas de données actualisées du déficit d'habitations dans le pays. Les derniers chiffres officiels connus datent de 2007, et estimaient le manque de logements à 2 800 000".



Article publié dans la rubrique "Vu d'Amérique" du bimensuel suisse L'Anticapitaliste, le 3 février 2011

jeudi 3 février 2011

Le Venezuela connectera Cuba au réseau mondial internet

Deux jeunes écolières s'initient à l'informatique dans un collège de La Havane, en 2006.
(Photo: Seb)

Caracas, Kingston et Alcatel-Lucent permettent à La Havane de contourner l'embargo grâce à un câble sous-marin.

Un câble de fibre optique long de 1600 km est actuellement déployé depuis les côtes vénézuéliennes vers la région orientale de Cuba. Il permettra à l'île de multiplier par 3000 sa capacité de connexion. L'arrivée du navire français Ile de Batz au port de Siboney, dans la province de Santiago de Cuba, est prévue pour le 8 février. De là, l'extension du câble sous-marin de fibre optique se prolongera encore de 230 km pour atteindre la Jamaïque, dans ce qui est considéré par les autorités concernées comme un "projet d'intégration régionale".


Effet de l'Alba


Les travaux d'installation sont assurés par une filiale de la compagnie française Alcatel-Lucent, la chinoise Shanghai Bell, et représentent un investissement d'environ 70 millions de dollars. Mais l'administration du projet sera à charge d'une entreprise cubano-vénézuélienne 100% publique, Telecomunicaciones Gran Caribe, créée dans le cadre de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba).

Le câble, qui devrait être opérationnel à partir du mois de juillet, a une durée de vie estimée de vingt-cinq ans et fournira à Cuba une capacité de connexion de 640 gigabits. Actuellement, l'île ne dispose que de 209 mégabits par seconde de sortie et de 379 mégabits d'entrée, d'après les informations publiées sur le site de Radio Habana Cuba (RHC).

Cuba était jusqu'ici le seul pays du continent américain à ne pas être connecté au reste du monde par le réseau sous-marin de fibre optique. L'embargo américain imposait encore jusqu'il y a peu des surcoûts prohibitifs à La Havane pour se connecter au câble qui relie Cancun à Miami, et qui passe pourtant à 32 kilomètres au large de la capitale cubaine.

D'après les déclarations de son gérant local, José Ignacio Quintero, Alcatel-Lucent a d'ailleurs dû prendre des précautions par rapport au blocus. Le représentant de la firme a assuré à la presse vénézuélienne qu'aucune entité ni aucun citoyen étasunien ne participait au projet, "afin de ne s'exposer à aucun type de sanction".

Internet pour tous?

Cette exclusion du réseau mondial obligeait jusqu'ici Cuba à se connecter à internet via satellite, un substitut lent et coûteux. Mais l'installation du nouveau câble n'impliquera pas forcément une massification immédiate de l'accès à la toile. Officiellement, des "carences technologiques et financières" empêcheront encore de généraliser la connectivité. Selon Ramon Linares, vice-ministre cubain de l'Informatique et des télécommunications, "la priorité consiste à poursuivre la création de centres collectifs d'accès à internet et à renforcer les connexions dans les centres de recherche scientifique, les centres d'enseignement et de santé du pays".

La basse densité téléphonique de l'île représente une des limitations d'ordre technique pour le déploiement massif d'internet, mais il devrait cependant y avoir des avancées à moyen terme. D'après les déclarations du haut fonctionnaire à RHC, "tous les Cubains ayant le téléphone devraient, en principe, avoir droit à une connexion internet". Reste à savoir si la volonté politique suivra.

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Article publié dans le quotidien suisse Le Courrier le 02 février 2011


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