L’article précédent (Leçon de démocratie à la Chávez (1)) était une réaction globale, à chaud et reprenant en grande partie les déclarations du président Chávez quelques instants après la défaite lors du référendum sur la réforme constitutionnelle. Cet article, plus détaillé, se veut une tentative d’analyse sur le pourquoi de cette défaite et ses conséquences. Même si de ces jours-ci de nombreuses analyses ont été publiées, je ne peux m’empêcher d’apporter la mienne. En voici la première partie :
Dans la nuit du 2 au 3 décembre, les visages étaient tirés dans les bureaux de la chaîne multiétatique TeleSUR, où je me trouvais. Le Conseil National Electoral n’avait pas encore diffusé les chiffres officiels, nous étions tous à l’attente du résultat que l’on savait déjà serré. Chacun essayait d’en savoir un peu plus par ses propres moyens, un sms, un coup de téléphone.
Peu avant 1h une info nous parvient : le "oui" a perdu dans l’Etat du Zulia et à Caracas. Les deux régions les plus peuplées du pays, mauvais signe. Quelques instants plus tard, je contacte par sms un ami présent parmi les observateurs. Sa réponse met fin à mes derniers espoirs : "Enterrement".
Que s’est-il passé ?
Comment a-t-on fait pour perdre 3 millions d’électeurs en un an ? Je pense que cette dernière question n’est pas celle à se poser. Chávez n’a pas perdu 3 millions d’électeurs. D’ailleurs, en se mobilisant au maximum, l’opposition n’a amélioré son score que d’un peu plus de 200 000 voix.
Cependant, cela veut quand même dire que près de 2 800 000 partisans de Hugo Chávez en 2006, n’ont pas voté pour cette réforme. Je ne crois pas trop à l’argument "excès de confiance". Si excès de confiance il y a eu, il s’est trouvé dans la bureaucratie d’Etat, les députés et dans le Comando Zamora (l’appareil de propagande en faveur du "oui") mais certainement pas au sein de la population qui, la plupart du temps, se mobilise en force pour soutenir le proceso.
A force de rejeter la faute de tout ce qui ne va pas à "l’impérialisme", cette bureaucratie se coupe de la réalité et ne regarde plus dans son assiette. L’atterrissage risque d’être douloureux, comme ce fut le cas cette fois.
Mais cet "excès de confiance" et ce manque de mobilisation des structures étatiques ne sont peut-être pas anodins. En effet, quel intérêt aurait un gouverneur ou un maire réformiste à voir la population dotée de plus de pouvoir au détriment du sien ?
Même si cette réforme ne touchait pas la structure des gouvernements régionaux ni des municipalités, elle impliquait quand même l’apparition d’un pouvoir parallèle et une diminution des fonds qui leur parviennent, étant donné qu’une partie du budget de la nation aurait été attribué au pouvoir populaire constitutionnalisé.
On en revient à la vieille question : un gouvernement, aussi progressiste soit-il, va-t-il volontairement se défaire du pouvoir pour le "donner" au peuple ? …Ou le peuple doit-il s’organiser à la base pour s’approprier lui-même le pouvoir qui lui revient ?
Les médias… et l’Eglise
Deuxième point, la propagande du "non". Elle fut massive, intense et basée sur l’émotivité. Tous les secteurs réactionnaires de la société y ont participé, les médias privés, l’Eglise catholique, les partis d’opposition, le mouvement étudiant petit-bourgeois, etc.
Avant même que le contenu de la proposition de réforme ne soit connu, la presse nationale avait déjà lancé sa diatribe. Le dimanche 07 juillet, j’assistais à une conférence de presse de la Conférence épiscopale vénézuélienne (CEV). Lors de cet événement, l’Eglise vénézuélienne exprimait ses "doutes sur le talent démocratique de la réforme constitutionnelle".
Le lendemain, c’est à dire le lundi 08 juillet, reprenant une déclaration d’un des représentants de l’Eglise, le journal d’opposition El Universal titrait en première page : "La réforme constitutionnelle mènera au marxisme-léninisme". La proposition de réforme ne fut connue que lors de sa présentation par le président Chávez plus d’un mois plus tard, le 15 août !
La vielle peur du communisme était donc de nouveau exploitée pour effrayer la population. Bref, on peut imaginer qu’un secteur du chavisme, pas assez formé politiquement, se soit laissé influencer.
Et puis il y a l’autre secteur, celui dont on ne parle que très peu (et c’est à mon avis une grave erreur), le secteur chaviste, populaire, conscient, formé politiquement mais qui n’a pas voté. Militant, ouvrier d’entreprise récupérée, média communautaire, etc. qui n’ont pas voté parce qu’ils divergeaient sur certains articles de la réforme.
Nous y reviendrons, dans la troisième partie de cette analyse...
Dans la nuit du 2 au 3 décembre, les visages étaient tirés dans les bureaux de la chaîne multiétatique TeleSUR, où je me trouvais. Le Conseil National Electoral n’avait pas encore diffusé les chiffres officiels, nous étions tous à l’attente du résultat que l’on savait déjà serré. Chacun essayait d’en savoir un peu plus par ses propres moyens, un sms, un coup de téléphone.
Peu avant 1h une info nous parvient : le "oui" a perdu dans l’Etat du Zulia et à Caracas. Les deux régions les plus peuplées du pays, mauvais signe. Quelques instants plus tard, je contacte par sms un ami présent parmi les observateurs. Sa réponse met fin à mes derniers espoirs : "Enterrement".
Que s’est-il passé ?
Comment a-t-on fait pour perdre 3 millions d’électeurs en un an ? Je pense que cette dernière question n’est pas celle à se poser. Chávez n’a pas perdu 3 millions d’électeurs. D’ailleurs, en se mobilisant au maximum, l’opposition n’a amélioré son score que d’un peu plus de 200 000 voix.
Cependant, cela veut quand même dire que près de 2 800 000 partisans de Hugo Chávez en 2006, n’ont pas voté pour cette réforme. Je ne crois pas trop à l’argument "excès de confiance". Si excès de confiance il y a eu, il s’est trouvé dans la bureaucratie d’Etat, les députés et dans le Comando Zamora (l’appareil de propagande en faveur du "oui") mais certainement pas au sein de la population qui, la plupart du temps, se mobilise en force pour soutenir le proceso.
A force de rejeter la faute de tout ce qui ne va pas à "l’impérialisme", cette bureaucratie se coupe de la réalité et ne regarde plus dans son assiette. L’atterrissage risque d’être douloureux, comme ce fut le cas cette fois.
Mais cet "excès de confiance" et ce manque de mobilisation des structures étatiques ne sont peut-être pas anodins. En effet, quel intérêt aurait un gouverneur ou un maire réformiste à voir la population dotée de plus de pouvoir au détriment du sien ?
Même si cette réforme ne touchait pas la structure des gouvernements régionaux ni des municipalités, elle impliquait quand même l’apparition d’un pouvoir parallèle et une diminution des fonds qui leur parviennent, étant donné qu’une partie du budget de la nation aurait été attribué au pouvoir populaire constitutionnalisé.
On en revient à la vieille question : un gouvernement, aussi progressiste soit-il, va-t-il volontairement se défaire du pouvoir pour le "donner" au peuple ? …Ou le peuple doit-il s’organiser à la base pour s’approprier lui-même le pouvoir qui lui revient ?
Les médias… et l’Eglise
Deuxième point, la propagande du "non". Elle fut massive, intense et basée sur l’émotivité. Tous les secteurs réactionnaires de la société y ont participé, les médias privés, l’Eglise catholique, les partis d’opposition, le mouvement étudiant petit-bourgeois, etc.
Avant même que le contenu de la proposition de réforme ne soit connu, la presse nationale avait déjà lancé sa diatribe. Le dimanche 07 juillet, j’assistais à une conférence de presse de la Conférence épiscopale vénézuélienne (CEV). Lors de cet événement, l’Eglise vénézuélienne exprimait ses "doutes sur le talent démocratique de la réforme constitutionnelle".
Le lendemain, c’est à dire le lundi 08 juillet, reprenant une déclaration d’un des représentants de l’Eglise, le journal d’opposition El Universal titrait en première page : "La réforme constitutionnelle mènera au marxisme-léninisme". La proposition de réforme ne fut connue que lors de sa présentation par le président Chávez plus d’un mois plus tard, le 15 août !
La vielle peur du communisme était donc de nouveau exploitée pour effrayer la population. Bref, on peut imaginer qu’un secteur du chavisme, pas assez formé politiquement, se soit laissé influencer.
Et puis il y a l’autre secteur, celui dont on ne parle que très peu (et c’est à mon avis une grave erreur), le secteur chaviste, populaire, conscient, formé politiquement mais qui n’a pas voté. Militant, ouvrier d’entreprise récupérée, média communautaire, etc. qui n’ont pas voté parce qu’ils divergeaient sur certains articles de la réforme.
Nous y reviendrons, dans la troisième partie de cette analyse...
2 commentaires:
Seb, ne serais-tu pas le montois rencontré en février 2005 au pied du téléphérique de Mérida? On était 3 ptits belges...
Renaud, oui c'est moi.
Ecris-moi sur voixdusudblog@gmail.com
Ca serait sympa de reprendre contact.
Hasta pronto
Seb
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