Depuis le coup d'Etat du 28 juin dernier et l'instauration d'un gouvernement de fait au Honduras, de nombreuses voix se sont élevées au sein du mouvement de solidarité pour dénoncer les agressions contre la presse indépendante et le silence des principaux médias locaux. Laviana Alarcon, journaliste et documentariste espagnole résidant au Venezuela, s'est rendue à Tegucigalpa pour y couvrir les événements. De retour à Caracas, elle nous livre ses impressions sur la situation des médias. Elle choisi de le faire en utilisant un pseudonyme car, affirme-t-elle, apparaître sous son vrai nom pourrait lui causer des problèmes pour entrer de nouveau au Honduras.
Quelle est la situation actuelle de la presse dans le pays?
Il y a clairement une persécution contre les journalistes. Les quelques radios qui essayaient d'informer sur la situation ont été fermées et occupées par les militaires, mais beaucoup réapparaissent en transmettant dans la clandestinité. La chaîne publique a été fermée le jour du coup d'Etat et rouverte par la suite. Aujourd'hui cette chaîne a atteint un niveau de manipulation que je n'avais jamais imaginé. Ils passent constamment des vidéos pour endoctriner les gens, sur la "paix" et sur ce qu'ils considèrent comme la "démocratie", de la propagande à la gloire du "nouveau président constitutionnel", contre le gouvernement légitime et contre les manifestations qui réclament le retour du président Zelaya.
Il y a également toute une campagne contre le président vénézuélien Hugo Chávez, évoquant son "régime castro-communiste", dénigrant le système de vote au Venezuela et dénonçant la prétendue répression qui existerait dans ce pays. Tout cela a pour but de faire peur à la population.
Nous avons voulu interviewer certaines figures connues de la télévision publique pour notre documentaire mais elles craignaient de témoigner. De nombreuses personnes ont peur et sont poursuivies. Le célèbre caricaturiste hondurien Allan McDonald, dont les dessins sont publiés notamment dans le journal El Heraldo et sur le site Rebelion.org, a été arrêté en pleine nuit, détenu durant toute une journée avant d'être libéré.
Les chaînes privées quant à elles appuient le gouvernement dictatorial. C'est également le cas de la presse écrite. L'un des principaux journaux, La Tribuna, appartient à Carlos Flores Facussé, un homme proche de Micheletti et suspecté d'être l'un des principaux idéologues du coup d'Etat. Facussé fut également président du Honduras entre 1998 et 2002. C'est un homme très puissant.
En tant que journaliste, comment avez-vous vécu cela?
La rue est aux mains des militaires et de la police. A peine arrivée à Tegucigalpa avec mon collègue caméraman, la police a débarqué à notre hôtel pour nous interroger, ils ont examiné nos papiers, ils voulaient tout savoir sur nous. Lors de la manifestation du dimanche 5 juillet à l'aéroport (où le président Zelaya a essayé d'atterrir), nous étions tous là, aussi bien la population que les journalistes, et l'armée a tiré sans faire de distinction. J'ai vu les balles tomber à moins de deux mètres de moi. J'ai essayé de me mettre à l'abri et les balles pleuvaient de toute part. J'étais terrifiée. Il n'y a eu aucun respect pour la presse internationale.
Comment la population réagit-elle face à cette situation?
Les gens souhaitent vivement avoir des médias sur place, peu importe d'où ils viennent. Je n'avais jamais vu cela, les gens applaudissent la presse, ils en ont besoin. Que la police tire sur une manifestation désarmée et que la presse locale n'en dise pas un mot le lendemain est quelque chose de terrible. La présence de médias alternatifs ou communautaires est donc très importante. Mais ils sont très peu nombreux car il est très difficile d'entrer dans le pays en tant que journaliste, surtout si celui-ci provient de l'un des pays progressistes d'Amérique latine. Les Vénézuéliens, par exemple, y sont diabolisés.
Que pensez-vous du travail réalisé par la chaîne latino-américaine TeleSUR, dont les correspondants ont été expulsés récemment du Honduras?
La population hondurienne est tellement désespérée face au silence des médias que le travail de TeleSUR a été fondamental pour eux. Ils considèrent ses journalistes comme de véritables héros. En plus, les gens ont peur parce que les correspondants s'en vont. Maintenant que les journalistes partent, il va y avoir davantage de répression. Ceux qui ne sont pas partis de leur propre gré ont été expulsés, comme c'est arrivé à l'équipe de TeleSUR. Le fait qu'ils aient expulsé les journalistes qui ont le plus informé donne une idée de ce qui se passe au Honduras.
Article publié dans le quotidien suisse Le Courrier le 17 juillet 2009.
Quelle est la situation actuelle de la presse dans le pays?
Il y a clairement une persécution contre les journalistes. Les quelques radios qui essayaient d'informer sur la situation ont été fermées et occupées par les militaires, mais beaucoup réapparaissent en transmettant dans la clandestinité. La chaîne publique a été fermée le jour du coup d'Etat et rouverte par la suite. Aujourd'hui cette chaîne a atteint un niveau de manipulation que je n'avais jamais imaginé. Ils passent constamment des vidéos pour endoctriner les gens, sur la "paix" et sur ce qu'ils considèrent comme la "démocratie", de la propagande à la gloire du "nouveau président constitutionnel", contre le gouvernement légitime et contre les manifestations qui réclament le retour du président Zelaya.
Il y a également toute une campagne contre le président vénézuélien Hugo Chávez, évoquant son "régime castro-communiste", dénigrant le système de vote au Venezuela et dénonçant la prétendue répression qui existerait dans ce pays. Tout cela a pour but de faire peur à la population.
Nous avons voulu interviewer certaines figures connues de la télévision publique pour notre documentaire mais elles craignaient de témoigner. De nombreuses personnes ont peur et sont poursuivies. Le célèbre caricaturiste hondurien Allan McDonald, dont les dessins sont publiés notamment dans le journal El Heraldo et sur le site Rebelion.org, a été arrêté en pleine nuit, détenu durant toute une journée avant d'être libéré.
Les chaînes privées quant à elles appuient le gouvernement dictatorial. C'est également le cas de la presse écrite. L'un des principaux journaux, La Tribuna, appartient à Carlos Flores Facussé, un homme proche de Micheletti et suspecté d'être l'un des principaux idéologues du coup d'Etat. Facussé fut également président du Honduras entre 1998 et 2002. C'est un homme très puissant.
En tant que journaliste, comment avez-vous vécu cela?
La rue est aux mains des militaires et de la police. A peine arrivée à Tegucigalpa avec mon collègue caméraman, la police a débarqué à notre hôtel pour nous interroger, ils ont examiné nos papiers, ils voulaient tout savoir sur nous. Lors de la manifestation du dimanche 5 juillet à l'aéroport (où le président Zelaya a essayé d'atterrir), nous étions tous là, aussi bien la population que les journalistes, et l'armée a tiré sans faire de distinction. J'ai vu les balles tomber à moins de deux mètres de moi. J'ai essayé de me mettre à l'abri et les balles pleuvaient de toute part. J'étais terrifiée. Il n'y a eu aucun respect pour la presse internationale.
Comment la population réagit-elle face à cette situation?
Les gens souhaitent vivement avoir des médias sur place, peu importe d'où ils viennent. Je n'avais jamais vu cela, les gens applaudissent la presse, ils en ont besoin. Que la police tire sur une manifestation désarmée et que la presse locale n'en dise pas un mot le lendemain est quelque chose de terrible. La présence de médias alternatifs ou communautaires est donc très importante. Mais ils sont très peu nombreux car il est très difficile d'entrer dans le pays en tant que journaliste, surtout si celui-ci provient de l'un des pays progressistes d'Amérique latine. Les Vénézuéliens, par exemple, y sont diabolisés.
Que pensez-vous du travail réalisé par la chaîne latino-américaine TeleSUR, dont les correspondants ont été expulsés récemment du Honduras?
La population hondurienne est tellement désespérée face au silence des médias que le travail de TeleSUR a été fondamental pour eux. Ils considèrent ses journalistes comme de véritables héros. En plus, les gens ont peur parce que les correspondants s'en vont. Maintenant que les journalistes partent, il va y avoir davantage de répression. Ceux qui ne sont pas partis de leur propre gré ont été expulsés, comme c'est arrivé à l'équipe de TeleSUR. Le fait qu'ils aient expulsé les journalistes qui ont le plus informé donne une idée de ce qui se passe au Honduras.
Article publié dans le quotidien suisse Le Courrier le 17 juillet 2009.
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