dimanche 15 juillet 2007

Au nom du Père, du Fils et de la Propriété privée

Le président vénézuélien, Hugo Chávez, comme bon nombre de latino-américains, fait souvent référence au Christ. Pourtant, sa foi n’en rend pas moins tendus ses rapports avec les hautes autorités de l’Eglise catholique.

Il faut dire que, comme dans de nombreux domaines, le Comandante bouscule là aussi les dogmes préétablis. Il s’inspire de la théologie de la libération et reprend dans les origines du christianisme les valeurs de solidarité, de détachement des richesses matérielles et d’aide envers les plus démunis.

Dans ses discours, il n’hésite pas à citer les évangiles et à qualifier Jésus de "socialiste avant l’heure" ou de "véritable révolutionnaire", faisant frissonner tant les marxistes orthodoxes que les prélats de l’Eglise vénézuélienne.

Les relations entre cette dernière et le président de la République sont d’ailleurs épineuses depuis son arrivée au pouvoir en 1999. En avril 2002, feu le Cardinal José Ignacio Velasco avait été l’un des signataires du décret Carmona. Décret par lequel, au lendemain du coup d’Etat, le président de la fédération patronale Fedecámaras, Pedro Carmona, suspendait toutes les garanties constitutionnelles et tous les pouvoirs démocratiquement élus.

Hugo Chávez, pas provocateur pour un sou, a quant à lui titillé les évêques à plusieurs reprises. Lorsque Monseigneur Porras présidait la Conférence épiscopale vénézuélienne (CEV), le mandataire vénézuélien l’avait accusé de porter "le diable sous la soutane".

Ces altercations ne sont pas dues au hasard, elle sont le résultat des constantes immiscions de l’Eglise catholique dans la vie politique du pays. Et depuis la réélection de décembre 2006 et la promesse de radicalisation du proceso vers le "socialisme du XXIème siècle", les échanges par médias interposés ont constamment apporté de l’eau au bénitier.

Dernièrement, l’annonce d’une future réforme constitutionnelle a mis du poil à gratter sous la soutane des évêques. Une Commission présidentielle s’occupe actuellement de jeter les bases de cette réforme (sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir), qui sera ensuite débattue à l’Assemblée nationale et au sein des communautés, grâce à ce que l’on appelle ici le "parlementarisme social de rue".

D’hypothétiques versions de ce projet ont été divulguées par les médias privés et les partis d’opposition. Cependant, à l’heure actuelle, la Commission présidentielle n’a toujours présenté aucun document officiel.

Se basant sur les spéculations médiatiques, l’Eglise s’est empressée de dénoncer la réforme constitutionnelle. La réponse (cinglante) du président ne s’est pas faite attendre. En résumé, il a estimé que les représentants de l’Eglise étaient "cyniques, ignorants, pervers et trompeurs".

Contre-attaquant le samedi 07 juillet, lors de la 88ème assemblée ordinaire de la Conférence épiscopale vénézuélienne, les évêques ont exprimé que "les thèmes ventilés, tout comme le contenu des modifications et surtout la forme même du processus de son élaboration, entraînent de sérieux doutes sur le caractère démocratique de la réforme constitutionnelle".

Tout comme certains médias, l’Eglise catholique se substitue aux partis d’opposition. Dans la déclaration lue à l’issue de l’assemblée ordinaire de la CEV, les évêques et archevêques avertissent que "différentes décisions officielles et déclarations du président mènent à supposer que cette réforme se dirige vers l’établissement d’un système socialiste fondé sur la théorie et la praxis du marxisme-léninisme".

Allant plus loin dans l’ingérence, Monseigneur William Delgado Silva exprimait au nom de l’Eglise, sa "préoccupation" à propos du projet de loi sur l’éducation, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.

Même si elle reconnaît "les avancées obtenues ces dernières années en matière d’éducation et surtout dans l’extension de l’éducation aux secteurs les plus exclus", la CEV craint une "prétention de fournir une éducation avec une unique et déterminée orientation politique et idéologique".

Mais les autorités ecclésiastiques n’ont par contre pas hésité à rappeler que "l’éducation religieuse doit se maintenir dans l’horaire scolaire telle qu’elle s’y trouve dans la loi actuellement en vigueur". Pas d’orientation idéologique déterminée donc, sauf s’il s’agit de la leur.

Citant le Pape Benoît XVI, la CEV rejette également "les formes de gouvernements autoritaires ou sujettes à certaines idéologies que l’on croyait dépassées et qui ne correspondent pas à une vision chrétienne de l’homme et de la société". La aussi, l’orientation idéologique n’est permise que si elle s’adapte à la "vision chrétienne de l’homme et de la société".

Le "socialisme étatiste" est bien évidemment inclus dans ces formes de gouvernements "dépassées". Cependant, l’Eglise reconnaît néanmoins que "les chemins proposés par le néolibéralisme" ne peuvent, eux non plus, résoudre "les maux de notre société".

Finalement les évêques dénoncent dans leurs déclarations "les délits contre la vie et la propriété".

De par ses constantes interventions à caractère clairement politique, couronnant le tout en mettant la vie et la propriété sur le même pied d’égalité, l’Eglise catholique résume ainsi le rôle qu’elle joue, à quelques exceptions près, depuis plus de 500 ans sur le continent américain. Au nom du Père, du Fils et de la Propriété privée.

1 commentaire:

CERCLE VENEZUELA TOULOUSE a dit…

Ecoute, je ne connaissais pas ton blog et encore moins tes articles. C'est vraiment étrange parce que j'épluche un peu tout ce qui se fait sur le Venezuela depuis un moment pour le site www.cercle-venezuela.fr

Mais je suis ravi de tomber là dessus.

Je t'ai mis dans la rubrique "nos potes" dans la revue de presse dynamique de notre site (http://cercle-venezuela-revue-presse.blogspot.com/) j'espère que ça te conviens ...

J'espère qu'on pourra se trouver à Caracas un de ses jours, envoie moi ton contact par mail cercle.venezuela@gmail.com

A bientôt

Julien Terrié (président du cercle venezuela toulouse)



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